Bien-être animal Une nouvelle vidéo choc de L214 sur la filière du foie gras
L214, l’association anti-élevage, publie une nouvelle vidéo ce jeudi 20 août 2020. Celle d’un couvoir de la filière du foie gras situé dans les Pyrénées-Atlantiques à Lichos. La copropriétaire de l’élevage dénonce une vidéo « fausse et mensongère ». En fin d’après-midi, la préfecture a annoncé « la suspension immédiate de l’activité du bâtiment mis en cause ».
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Des carcasses de canards décomposées, des asticots, sans parler des rongeurs… L214 a mis en ligne une nouvelle vidéo choc tournée à Lichos, dans un couvoir approvisionnant la filière du foie gras. « Cet élevage atteint les sommets dans l’horreur », affirme Sébastien Arsac, un des cofondateurs de L214 qui décrit la situation dans la vidéo. Ces images, l’association explique les avoir obtenues grâce à un lanceur d’alerte et les date d’août 2020.
Les services de l’État diligentés sur place
Mis au courant hier, le 19 août 2020, de l’existence de ces images, le ministère de l’Agriculture a « immédiatement demandé à la préfecture de diligenter une enquête complète de l’état de l’exploitation, affirme-t-il dans un communiqué diffusé à la presse dans la nuit de mercredi à jeudi. Les services se sont rendus sur place le jour même et ont pu confirmer certains des manquements à la réglementation en vigueur. »
Le ministère assure également qu’un vétérinaire sera sur site ce 20 août au matin pour « examiner dans le détail l’état des animaux et prendre les mesures de sauvegarde nécessaires. Le ministre a demandé à la préfecture une mise en demeure de l’exploitation, qui pourra aboutir à la suspension d’activité. En parallèle, une procédure judiciaire est ouverte, le juge pouvant imposer une interdiction de détenir des animaux en cas de délit et ordonner leur retrait. »
Une « interdiction totale d’exploiter ce bâtiment »
En fin d’après-midi, ce 20 août 2020, la préfecture a annoncé la signature de plusieurs « arrêtés préfectoraux de mise en demeure de l’exploitant. Les canards sont évacués dès maintenant de leur bâtiment pour les mettre à l’abri. L’interdiction totale et immédiate d’exploiter ce bâtiment jusqu’à sa remise aux normes est prononcée. Enfin, les effluents et lisiers devront être évacués dans les plus brefs délais par une entreprise compétente. »
« Les observations vont aboutir à des procès-verbaux relevant des infractions à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), complète la préfecture. Une action pénale est également ouverte pour des délits envers les animaux en captivité. La procureure de la République est saisie de ces actions judiciaires à l’encontre de l’exploitant. »
Concernant les effluents d’élevage, la préfecture ajoute que « la police de l’eau […] et des agents de l’Office français de la biodiversité se sont rendus dans l’exploitation et aux alentours pour lever tout doute sur d’éventuels risques de pollution, qualifiés hier soir en première analyse d’inexistants. Toute constatation contraire entraînerait une procédure pénale. À la demande du ministre de l’Agriculture […], la situation continue à être suivie de très près. »
Le ministère pointé du doigt
Le ministère a réagi très rapidement face à cette nouvelle vidéo. L214 le pointe du doigt dans sa communication, en affirmant que « l’objectif des services de l’État est d’inspecter les élevages 1 fois tous les 100 ans. Quelle est la fréquence des inspections des services de l’État en matière de protection animale dans les élevages ? “La pression d’inspection annuelle […] est constante avec 1 % des élevages contrôlés à ce titre”, peut-on lire dans le rapport annuel. »
« Nous multiplions les contrôles pour protéger les animaux et prendre des mesures strictes afin que justement ces dérives inacceptables, mais isolées et individuelles, ne jettent pas le discrédit sur toute une profession à laquelle j’assure mon soutien et ma confiance, a répondu Julien Denormandie cité dans le communiqué de son ministère. J’ai demandé aux services d’être extrêmement vigilants sur ces contrôles. Les suites de l’enquête seront communiquées en toute transparence. »
(1/3) Dès que j’ai eu connaissance de la situation dans l'élevage en Pyrénées-Atlantiques, j’ai immédiatement diligenté une enquête, complétée par une visite vétérinaire. Une mise en demeure de l’exploitation va être prononcée pouvant conduire à la suspension. pic.twitter.com/BypWyLJDPR
— Julien Denormandie (@J_Denormandie) August 19, 2020
Une vidéo « fausse et mensongère »
La copropriétaire de l’élevage a affirmé ce jeudi à l’AFP que la vidéo de l’association de défense des animaux était « fausse et mensongère ». Elle a annoncé des poursuites en « diffamation ». « La vidéo est fausse, mensongère et malhonnête », a estimé Aurore Vidal, copropriétaire de cette exploitation « familiale » dans ce village d’une grosse centaine d’habitants à 50 km de Pau.
« Sur la partie extérieure, le lisier qui se déverse, c’est la vérité, a-t-elle concédé, mais tout ce qui est cadavres, asticots et tout le reste, c’est faux. Les services vétérinaires sont venus hier et n’ont rien constaté de tout ça. Des images de l’extérieur, de certains animaux en cage, c’est notre exploitation. Mais les cadavres morts… ceci n’est pas notre exploitation », a-t-elle insisté.
Aurore Vidal a expliqué « qu’il y a eu, il y a quelque temps, des intempéries qui ont fait bouger le bâtiment, sur l’ensemble des quatre (bâtiments de l’exploitation), c’est le seul mené à mal ». La jeune femme a accusé la « malveillance », notamment d’un « ancien intérimaire », et annoncé une plainte pour « diffamation et entrée par effraction » contre L214.
La préfecture a annoncé une visite sur site dès mercredi des services vétérinaires accompagnés de gendarmes, un travail poursuivi jeudi, et un « contrôle renforcé » ces prochains jours, jusqu’à suspension « si nécessaire ». La procureure de Pau a indiqué ce jeudi l’ouverture d’une enquête, confiée à la gendarmerie, à la suite de la plainte déposée par L214.
Une « situation insoutenable » pour la filière
Interviewée par France Inter, Marie-Pierre Pé, la directrice générale du Cifog, reconnaît que ces images sont choquantes. « Conditions des animaux, la condition sanitaire. Des choses, vraiment, je ne pensais même pas que ça pouvait exister. Cette situation est insoutenable et elle est totalement inacceptable. C’est un peu malheureux, car ce n’est pas le reflet de nos entreprises qui sont extrêmes sérieuses, impliquées, avec des contrôles quotidiens qui s’imposent. »
« Nous attendons le contrôle des services de l’État […], qui vont permettre d’objectiver la situation, ajoute-t-elle. Il faut prendre du recul avec ces images. La vocation de L214 est de faire des images sensationnelles pour promouvoir un monde sans élevage et un monde végétarien. Il faut avoir ça à l’esprit. Et malheureusement ces images peuvent salir toute une filière. »
Dans un communiqué diffusé ce jeudi, le Cifog « condamne fermement les conditions décrites par cette vidéo qui ne reflètent en rien les méthodes de travail des éleveurs de la filière. Si les images présentées dans cette vidéo étaient confirmées lors de l’inspection par les pouvoirs publics, [l’interprofession] conformément à la charte de production du foie gras français, se porterait partie civile dans le cadre d’une éventuelle procédure judiciaire engagée par l’État. »
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